Sadick, nous avons retrouvé ta trace en Albanie. Tu viens tout juste de t’engager avec le FK Kukësi. Comment as-tu fait pour te retrouver en Albanie ?
« Effectivement, je viens tout juste de m’engager avec le FK Kukësi. Il s’agit d’une nouvelle expérience en Europe pour moi. Je n’ai pas encore eu la chance de jouer avec mon nouveau club car j’attends la lettre de sortie pour être qualifié, mais je suis très pressé de pouvoir enfin fouler les pelouses ».
Tu vas donc bientôt pouvoir étrenner ton nouveau numéro, le 99.
« Oui, j’ai choisi de porter le numéro 99 tout simplement car je suis un avant-centre et que j’aime porter le numéro 9. Seulement quand le numéro 9 n’est plus disponible il faut être malin et savoir ruser. Par exemple, en Serbie j’ai porté le maillot 90 ».
Avant de reparler de ton actualité, revenons sur tes débuts. Tu as été découvert lors de la Coupe du Monde U17 en 2007. Tu avais atteint le dernier carré de la compétition avec le Ghana, en marquant 4 buts, donc un contre l’Espagne en demi-finales. (NDLR : il a également marqué contre l’Allemagne de Toni Kroos, Trinidad et Tobago et le Pérou).
« C’est sans doute ma plus grande fierté. Durant cette compétition j’ai pu exprimer tout mon talent car j’étais en pleine forme physique. J’ai intégré la liste des 50 espoirs les plus talentueux du monde (NDLR : classement régulièrement proposé par World Soccer Magazine). C’est cette compétition qui m’a permis de me faire un nom et être repéré par plusieurs équipes européennes ».
Après la Coupe du Monde, tu fais donc le choix de t’engager avec l’Atletico Madrid, mais tu n’as jamais joué en Liga. Regrettes-tu ton choix ?
« Comme je disais, j’ai eu le choix de rejoindre plusieurs clubs européens mais j’ai choisi l’Atletico Madrid et je ne regrette rien. Bien sûr j’aurai bien aimé jouer avec l’équipe première, mais en Espagne j’ai pu progresser et développer mon football. J’étais très jeune et j’ai surtout joué avec l’équipe réserve. Parfois j’allais m’entraîner avec l’équipe première de l’Atletico Madrid sous les ordres de Javier Aguirre aux côtés de Sergio Aguero (NDLR : désormais à Manchester City), Fernando Torres (Chelsea) et David de Gea (Manchester United) ».
Si ton expérience espagnole ne te laisse aucun regret, ce n’est pas le cas de celle en Serbie au FK Vojvodina.
« Mon expérience en Serbie est la pire expérience de ma vie. Il s’agit de la pire décision de ma carrière et je la regrette encore. Après deux ans avec l’équipe réserve de l’Atletico Madrid, j’allais bientôt avoir 20 ans et j’ai donc accepté de signer en Serbie. J’ai imaginé que jouer la-bas aller pouvoir me permettre d’avoir une bonne réputation mais ça a été tout le contraire. J’ai vécu un enfer à cause du racisme. C’était horrible de vivre cette expérience pour un jeune africain comme moi, seulement âgé de 20 ans. J’étais seul au milieu de cet enfer raciste. Ma famille était au Ghana et je me disais qu’il fallait que je sois fort pour pouvoir les aider, notamment financièrement. Mais au-delà du racisme, je n’étais pas payé par le club. C’est à dire aucun salaire, aucun bonus, rien … J’ai dû résilier mon contrat et j’ai donc signé en Tunisie. Je me suis dit que c’était une bonne opportunité pour moi, et j’étais surtout content de quitter la Serbie ».
Comment s’est passé ce retour sur le continent africain avec cette signature à l’Etoile du Sahel (NDLR : avant de signer à l’Atletico Madrid, Sadick Adams avait déjà signé un contrat avec le club tunisien. Il avait écopé d’une suspension de 4 mois pour ne pas avoir respecté son contrat. Il a ainsi raté la Coupe du Monde U20 en 2009) ?
« Moi ce que je voulais avant tout c’était jouer et m’amuser. C’est ce que j’ai fait dans un premier temps, malheureusement j’ai accumulé les blessures. Les dirigeants du club ont donc souhaité me prêter ».
Direction donc la Lybie.
« Je prends donc la direction de la Lybie en étant prêté à Al-Hilal, club situé à Benghazi. Malheureusement, encore une fois, mauvaise expérience. La guerre civile s’est déclarée en Lybie et j’ai donc dû fuir le pays pour retourner en Tunisie. Je ne suis pas resté très longtemps en Tunisie et à la fin de mon contrat j’ai pris le chemin de l’Arabie Saoudite en signant avec Al-Ansar. Le club était situé à Médine. Le club est descendu en deuxième division donc j’ai une nouvelle fois dû changer de club ».
4 ans après avoir quitté le Ghana et le club d’Ashanti Gold, tu signes donc au Berekum Chelsea.
« Comme je n’avais plus de contrat et que je ne pouvais pas rester en Arabie Saoudite, j’ai décidé de rentrer au Ghana. Et après des hésitations, j’ai choisi de signer au Berekum Chelsea (NDLR : un an de contrat) où j’ai remplacé Emmanuel Clottey. Le but était de me relancer en attendant une offre d’un club européen. J’ai commencé à retrouver mes sensations, j’ai notamment eu une offre du CFR Cluj en Roumanie, mais je me suis blessé et je n’ai donc pas pu signer là-bas ».
Finalement tu prends donc la direction de l’Albanie. Pas forcément une destination commune pour un footballeur, notamment africain.
« En fait mon agent est basé à Dubaï (NDLR : Emirats Arabes Unis), mais il est albanais. C’est donc lui qui m’a proposé de rejoindre le FK Kukësi. C’est sûr que je ne pensais pas me retrouver en Albanie à 23 ans. Mais c’est la vie, parfois tout va bien, parfois non.
J’essaye de travailler au maximum pour retrouver le niveau que j’avais en 2007 quand j’ai explosé aux yeux du monde. Je suis un buteur et je veux marquer ».
Tout à l’heure, tu évoquais le racisme que tu as subi au cours de ta carrière. Peux-tu développer ?
« Etre un footballeur africain en Europe n’est pas facile. Ce n’est pas une excuse pour moi, mais être noir, être seul et sans famille dans un pays étranger est parfois très difficile. Un blanc ne se rend pas forcément compte qu’à côté de lui il y a un coéquipier noir qui souffre. Il a son confort. Mais la réalité c’est que dans la vie et sur le terrain c’est parfois un enfer. Ransford Osei, mon ancien coéquipier (NDLR : 2ème meilleur buteur de la Coupe du Monde U17 2007) a également vécu ces expériences. Maintenant, il est reparti au Ghana (NDLR : A l’Asante Kotoko).
Je souhaite vraiment ajouter que mon passage en Serbie a été horrible. Ils diront peut-être que je suis un menteur, mais la réalité c’est que j’ai dû renoncer à tous mes salaires pour pouvoir avoir ma lettre de sortie et quitter la Serbie ».
Malgré une quatrième place lors de cette Coupe du Monde U17, peu de ghanéens brillent désormais en Europe.
« Comme je disais, Ransford Osei et moi-même étions les meilleurs buteurs du Ghana. Mais nous avons eu des problèmes de blessures et de choix de carrière (NDLR : Ransford Osei est passé par le Maccabi Haifa en Israël, le FC Twente aux Pays-Bas, le Bloemfontein Celtic en Afrique du Sud et donc désormais l’Asante Kotoko au Ghana). Je suis également en contact avec d’autres coéquipiers de cette époque : Ishmael Yartey est passé par Sochaux (NDLR : passé par le Benfica Lisbonne au Portugal, il est désormais au FC Sion en Suisse) ; Enoch Adu joue au FC Bruges (il est passé par l’OGC Nice et le FC Nordsjaerlland au Danemark) ; Daniel Opare joue aussi en Belgique au Standard Liège (formé par la Castilla du Real Madrid) ; notre ancien capitaine Paul Addo joue en Norvège (il est passé par Lov-Ham, Odd et maintenant Strommen). Le reste de mes anciens coéquipiers évolue désormais au Ghana ».
Avant de conclure, est-ce que tu as eu déjà eu des contacts avec des équipes françaises.
« Non, je n’ai jamais eu le moindre contact avec des clubs français. Mais je serai ravi de pouvoir évoluer un jour en France ».