A ce jour deux conventions ont été signées : avec le Burel FC, club formateur de Maxime Lopez et avec Luynes Sports. Dans les prochaines semaines, d’autres devraient suivre. Plan de Cuques en avril ou encore l’ASPTT Marseille, les Caillols, l’ASC Vivaux-Sauvagère et Gémenos.

La communication autour de ces partenariats est très bien huilée. Déplacement et déclaration de Jacques-Henri Eyraud, président de l’Olympique de Marseille avec présence des medias locaux, petit match avec les enfants du club et signature du protocole. Pour la signature de celui avec le Burel FC, plus de 45 journalistes étaient présents.

Dès le changement de propriétaire à la tête de l’OM, la direction olympienne a fait de la formation un des axes fort de sa nouvelle politique. A l’automne 2016, les premiers contacts étaient noués avec une grosse dizaine de « clubs marseillais ». L’objectif étant de renouer des liens trop distendus avec certains ou d’en créer avec d’autres.

Une politique de formation pointée du doigt depuis 20 ans

Depuis la remontée de l’Olympique de Marseille en Première Division, le club phocéen est régulièrement tancé pour la médiocrité de son centre de formation et son incapacité à repérer et faire éclore des joueurs identifiés « PACA » malgré un important vivier.

Le constat peut être effectué à deux niveaux : tout d’abord, force est de constater que l’OM sort très peu de joueurs pour son équipe première, et que les autres joueurs professionnels formés au club n’évoluent pas dans des formations de tout premier ordre. La première question à se poser serait de savoir si les difficultés de l’OM à faire éclore des jeunes joueurs formés au club est lié à la qualité de la formation dispensée à la Commanderie ou au manque de talent de la matière première. En dressant la liste des joueurs issus de la région et qui ont échappé aux griffes des recruteurs olympiens, il est évident qu’il existe de grosses carences au niveau du repérage et du recrutement des talents locaux. L’OM doit notamment faire face à la concurrence des clubs professionnels géographiquement proches de la cité phocéenne (Monaco, Nice ou encore Montpellier).

Le plan d’action

Forte de ce double constat, la nouvelle direction marseillaise a décider d’agir en lançant le projet « OM Next Generation Champion. » Le chantier a réellement été lancé en décembre 2016 même si les premiers plans avaient été esquissés avant même le changement de propriétaire.

Le 4 décembre 2016, à l’occasion de la réception de Nancy au Stade Vélodrome, Franck McCourt (propriétaire), Jacques-Henri Eyraud (président) et Andoni Zubizarreta (directeur sportif) conviaient plusieurs dirigeants de clubs locaux pour évoquer la mise en place de futurs partenariats. La plupart des clubs qui comptent dans les Bouches du Rhône étaient présents : SO Caillolais, Burel FC, SC Air Bel, US Consolat, FC Septèmes, ASPTT Marseille.

La première prise de contact est bonne. La plupart des dirigeants est ravie de constater que les choses bougent. Certains n’hésitent pas à déclarer qu’ils attendaient un peu de considération de la part de l’OM depuis plus de 20 ans.

Dans sa chronique « si j’osais » sur France Football («Les partenariats entre l’OM et les clubs locaux, ce n’est pas nouveau !»), José Anigo, ancien directeur de l’OM revient sur cette « nouvelle » politique. Selon lui, ce n’est pas une nouveauté « par le passé, nous avons fait de multiples démarches auprès de certains clubs, avec des accords verbaux, de multiples réunions… Bref, pour moi, ce n’est rien de bien nouveau. » Difficile de donner raison à José Anigo sur ce point, tant la méthode diffère. Que valent des accords verbaux face à des accords protocolisés ? Factuellement, difficile de nier la professionnalisation de la démarche.

Mais justement, quels sont les axes retenus dans ces conventions de partenariat ? Les médias ont essentiellement mis en avant la dotation annuelle de 5 000 € alors qu’il s’agit presque du point le moins important des contrats. Il s’agit d’un montant assez dérisoire pour le budget de l’OM et il est également bien moindre pour les clubs amateurs que ceux qui peuvent être versés ailleurs. Il est beaucoup plus intéressant pour un club comme le Burel FC de doubler les indemnités de formation en cas de transfert de Maxime Lopez que de compter sur cette dotation.

Au delà de l’aspect financier, l’OM a essentiellement souhaité développer une démarche d’échanges. Il est ainsi prévu que les éducateurs des clubs partenaires puissent avoir des relations privilégiées avec les formateurs olympiens. Une prise en charge des frais de formations des éducateurs fait également partie du « pack ».

En contrepartie, l’OM s’engage à ne pas recruter des joueurs des clubs partenaires avant l’âge de 14 ans. Mais si l’objectif de maintenir les jeunes dans leur club formateur avant de les intégrer au centre de formation du club est louable, au même titre que les autres engagements, la confrontation à la réalité peut faire douter de l’efficacité de ces conventions.

Et dans la vraie vie ?

Jean-Henri Eyraud est un communiquant. Un très bon communiquant même. Depuis sa prise de fonction à l’OM, il occupe l’espace, tisse des liens avec les médias spécialisés, les supporters du Vélodrome et de la Toile, et n’hésite pas à présenter des powerpoints lors de ses conférences de presse. Eyraud est avant tout un entrepreneur et veut donc apporter la rigueur et le professionnalisme qui faisaient défaut aux précédentes directions.

Pour autant, si le plan de communication autour des conventions de partenariat est parfait, il est nécessaire de le transposer à la vraie vie et à l’impitoyable monde du recrutement des jeunes talents. Et alors que le début de la chronique de José Anigo dans France Football était teintée de mauvaise foi, comme pour se dédouaner de ses échecs, l’ancien directeur sportif marseillais sait comment fonctionne le milieu : « à mon  époque, nous avions du mal à faire venir les meilleurs joueurs de la région tout simplement parce que si un club peut donner son accord pour un joueur, ce sont toujours les parents qui décident du choix de carrière de leurs enfants« . Anigo voit juste. Malgré l’existence de partenariats entre les clubs amateurs et l’OM, rien n’indique que le joueur et ses parents, voire ses éventuels conseillers, feront le choix du club marseillais. Les autres clubs professionnels qui sont présents dans les Bouches du Rhône continueront de séduire leurs futures recrues avec des discours sportifs et financiers qui feront voler en éclats les conventions de partenariats.  Si le fait de mentionner que l’OM respectera un « pacte de non-agression » et laissera les jeunes à disposition des clubs partenaires jusqu’à 14 ans, rien n’empêchera un autre club de le faire.

Au delà des enfants et des familles, qui sont totalement libres de signer ailleurs qu’à l’OM, il faut également noter que le rôle des éducateurs des clubs amateurs est très important dans l’orientation des jeunes footballeurs. Même si cela peut paraître surprenant, les éducateurs des clubs sont souvent les premiers relais des recruteurs de clubs professionnels. Ils sont leurs yeux, que ce soit pour donner des informations sur leurs propres joueurs ou sur des jeunes qu’ils affrontent.

Le recrutement des jeunes n’est pas une histoire de protocole, de convention ou de partenariat. Il est avant tout basé sur un travail de réseau, de maillage du territoire et sur des relations privilégiées avec les acteurs qui comptent. C’est un travail de bouche à oreilles où la notion de confiance est primordiale. Un responsable du recrutement d’un club professionnel pourra parfois faire signer un joueur les yeux fermés s’il est recommandé par un « oeil » qui lui a déjà signalé des joueurs talentueux.

Dans tous les clubs, y compris les clubs signataires des partenariats avec l’OM, il existe des éducateurs plus ou moins proches de certains clubs professionnels. Ces relations sont entretenues depuis plusieurs années, et il sera totalement impossible à un club amateur, qui travaille souvent avec des entraîneurs bénévoles, de lui demander de privilégier les échanges avec les recruteurs marseillais au motif qu’un partenariat a été contractualisé.

Sans ce travail de fond, les conventions de partenariats n’auront aucun effet sur la qualité du recrutement marseillais et la future compétitivité du centre de formation.

Pire encore, les partenariats sont parfois contre-productifs. Le fait d’officialiser une relation conventionnée entre deux institutions peut créer des tensions. Comment vont réagir les clubs amateurs non conventionnés quand les recruteurs marseillais vont tenter de faire venir un jeune ? Il y a de bonnes chances pour que les clubs en question ne soient pas forcément facilitants et favorisants. Ils pourront même opposer aux recruteurs d’aller voir du côté de leurs clubs partenaires. C’est la réalité de nombreux clubs qui ont mis en place des partenariats en région parisienne et qui en ouvrant une porte en ont fermé une dizaine.

Il y a donc une véritable opposition de philosophie et donc de stratégie entre les clubs professionnels. Certains sont dans une logique d’initier des partenariats tandis que d’autres préfèrent se rapprocher au coup par coup des clubs amateurs.

De façon globale, la plupart des partenariats conclus par des clubs professionnels ne tiennent pas dans la durée. Au maximum trois à cinq ans. Le seul à tenir réellement est celui entre l’AJ Auxerre et le club parisien de Bretigny-sur-Orge. C’est même devenu une institution par la qualité des échanges entre les deux clubs, mais surtout par son exclusivité.

Alors si créer des partenariats peut apparaître comme un moyen de renouer des liens trop distendus avec les clubs de la région, l’OM ne doit pas oublier que le travail de recrutement des jeunes ne s’effectue ni sur des parapheurs, ni devant les médias, mais au quotidien, sur le terrain, sur les terrains …